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Twitter : le jeu des confrontations indirectes







Twitter n'est pas un réseau social comme les autres. L'anonymat, la mise en valeur particulière des réponses, et le format "tweet" comptent parmi les différentes fonctionnalités qui permettent à Twitter de se démarquer comme le réseau social du débat et de la confrontation. En cette période de campagne présidentielle, le débat est au cœur du processus démocratique, et on en ressent bien l'écho sur Twitter. Cet écho correspond précisément à l'objet de cette étude : quel reflet le réseau social donne-t-il de cette campagne présidentielle ?



Twitter offre une plateforme permettant à n'importe quel utilisateur de récupérer des données du site afin d'en faire différentes analyses. Ici, j'ai utilisé cette fonctionnalité en analysant les 1000 derniers tweets de chacun des 12 candidats à l'élection présidentielle de 2022. Au moyen d'un programme Python, j'ai récupéré le classement des mots les plus employés par chacun des candidats, en prenant soin de ne pas prendre en compte les mots de 4 lettres ou moins, parmi lesquels figurent essentiellement des mots de liaison inutiles à mon analyse. Voici un tableau présentant, pour chaque candidat, les 50 mots de plus de 4 lettres les plus empoyés parmi les 1000 derniers tweets publiés.






L'une des particularités de Twitter, par opposition à Facebook ou Instagram par exemple, est de mettre autant en valeur les commentaires ayant été apportés à un tweet que le tweet lui-même. Cette fonctionnalité fait de Twitter un espace adapté pour les confrontations directes. Durant la campagne présidentielle, certains candidats ont pu utiliser Twitter pour attaquer leurs adversaires ou leurs idées. Philippe Poutou s'est par exemple prêté au jeu en répondant ironiquement "Bonjour, enchanté." à une vidéo ou Anne Hidalgo se présentait comme la seule candidate issue d'un milieu ouvrier. Dans notre tableau, les confrontations se traduisent par l'emploi de terme renvoyant l'opposition.



Chez Philippe Poutou, on retrouve par exemple le mot "Macron" en 7ème position, ou encore "Zemmour" en 32ème position. Le candidat du NPA semble utiliser Twitter comme un moyen d'aller se confronter à ses adversaires. Il emploie par exemple beaucoup plus le terme "droite" que "gauche", alors même qu'il se revendique comme un candidat de gauche. On trouve aussi dans son champ lexical les mots "fasciste", "raciste" ou "extrême", qui servent à attaquer les idées opposées à son bord politique. On retrouve cette volonté d'attaquer chez Nathalie Arthaud, qui semble mentionner directement le compte Twitter de ses opposants, notamment Jean Lassalle, Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, dont les noms d'utilisateur figurent dans les mots les plus employés par la candidate de Lutte Ouvrière.



A l'inverse, certains candidats comme Emmanuel Macron, Valérie Pécresse ou Yannick Jadot semblent focaliser leur discours sur les idées qu'ils défendent, et ne mentionnent essentiellement que le nom d'Emmanuel Macron, président sortant, qui reste en tête des mentions chez la totalité des candidats. En effet, beaucoup des candidats utilisent Twitter pour critiquer le pouvoir en place. Le mot "Macron" figure notamment parmi les mots les plus utilisés pour la majorité des candidats. Certains, comme Fabien Roussel, semblent évoquer fréquemment l'affaire McKinsey, afin de remettre en doute la qualité de chef d'état d'Emmanuel Macron.



Twitter, en tant que média, sert avant tout d'outil de communication aux différents candidats à l'élection présidentielle, et il existe plusieurs façons d'utiliser ce dernier. Le champ lexical de prédilection des différents candidats sur Twitter offre une idée des rôles que peut jouer Twitter dans une candidature.



Dans un premier temps, Twitter peut permettre à un candidat d'exposer et de faire vivre ses idées, que ce soit en les confrontant avec celles de l'opposition, comme décrit précédemment, ou tout simplement en les évoquant de façon à les promouvoir. Cet aspect se reflète dans nos différents lexiques à travers tous les termes qui renvoient à une idée. On pense par exemple aux candidats qui évoquent la situation écologique, et qui emploient en ce sens des termes comme "urgence climatique", "écologie", ou "climat", notamment Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. De façon plus abstraite, les candidats ayant un programme plus identitaire, notamment les candidats généralement désignés comme de droite, emploient plus fréquemment les mots "français" ou "France" que leurs opposants. Toutefois, on trouve un lexique plus idéologique chez les candidats de gauche. Cela peut s'expliquer par le fait que les jeunes, qui sont surreprésentés sur Twitter, semblent plus séduits par les idées de ces candidats, donc que ces derniers on intérêt à promouvoir leurs idées sur la plateforme.



Dans un second temps, Twitter permet à chaque candidat de communiquer avec les militants de son camp. Chez les candidats à droite de l'échiquier politique, on retrouve plutôt cette approche, qui se reflète dans le lexique par des mots comme "interview", "en direct" ou "partagez", la mention de dates, de radios ou de chaînes de télévision. Ces mots sont directement destinés aux soutiens du candidat pour leur communiquer des informations, pour informer par exemple d'un passage en radio ou à la télévision du candidat, et ne touchent que peu de public en dehors des soutiens du candidat.



Enfin, cette élection présidentielle aura vu se développer l'utilisation de 'hashtags' en masse par les militants d'un bord politique. On retrouve cette méthode de communication notamment chez Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour, au travers de mots comme "#DimancheJeVoteMelenchon" ou "#JeVoteZemmour". Ces 'hashtags', ou mots-dièses, sont destinés à être utilisés massivement dans les milieux militants afin de créer une cohésion parmi ces derniers, et permettent en même temps aux soutiens d'un candidat de revendiquer leur choix.



Pour conclure, il existe différentes façons, pour un candidat à l'élection présidentielle, d'utiliser l'outil de communication qu'est Twitter. Celui-ci peut permettre de se confronter à ses adversaires, d'exposer des idées ou encore de communiquer avec ses soutiens. Cette étude montre que les candidats n'emploient pas le réseau social de la même façon, pour des raisons souvent stratégiques, et, en ce sens, que les méthodes de communication évoluent au fil du développement des réseaux sociaux en général.



Eliott BOURRIGAN



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