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Recherche : La représentation des bijoux de Marie Leszczynska dans les collections d’art





Ce premier article, introductif, a pour but d’évoquer les points principaux de cette étude. Au cours de cette série d’articles, les différents points évoqués seront davantage détaillés et ponctués de différents exemples et comparaisons avec d’autres femmes de la cour. Nous verrons d’où proviennent ces bijoux, à qui appartiennent-ils, quelles sont les différences à faire entre les bijoux de la reine, de la dauphine et de la marquise, qu’est-ce que ces femmes veulent dire aux travers de leurs bijoux, en quoi ceux-ci servent-ils le pouvoir du roi ?




Mon sujet de recherche


Au cours de ma première année de master Médiation du Patrimoine, j’ai décidé de travailler sur « La représentation des bijoux de Marie Leszczynska dans les collections d’art ». Pendant des décennies, l’historiographie privilégie davantage l’histoire des grands hommes et des grands événements. Au fur et à mesure, la place ainsi que le rôle des femmes dans l’histoire commencent à recevoir l’intérêt des chercheurs. Ce travail est aussi l’occasion de traiter de l’histoire et du rôle des objets, ici le bijou, objets luxueux. Afin de traiter ce sujet, j’ai choisi de m’interroger sur les manières dont les bijoux de Marie Leszczynska sont mis en scène afin de répondre à un apparat nécessaire ainsi qu’à une construction visuelle de son image royale dans le cadre de son rôle de reine. Dans des termes plus simples, il s’agit de comprendre comment les bijoux que portent la reine peuvent lui permettre de mettre en avant son rôle de reine de France. Comprendre comment la reine construit son identité au travers ses bijoux. Afin de répondre à cette question, j’ai décidé, tout au long de mon travail, de réaliser des comparaisons avec deux autres femmes de la cour : la dauphine Marie-Josèphe de Saxe ainsi que la maîtresse du roi, la marquise de Pompadour.




Une reine de France méconnue : Marie Leszczynska


Ce nom ne vous dit sûrement pas grand-chose, et pourtant, il s’agit de la reine ayant vécue le plus longtemps à Versailles : de 1725 à 1768. Marie Charlotte Sophie Félicité Leszczynska est née le 23 juin 1703 à Trzebnica en Pologne. Elle est la fille de Stanislas Leszczynski et de Catherine Opalinska. Son père est élu roi de Pologne en 1704 mais dès 1709 celui-ci est déchu du trône et à sa place est élu Auguste II. Un premier mariage avec Monsieur le Duc est proposé à la future reine de France. En effet, Louis XV est déjà promis à l’infante d’Espagne. Cependant, l’âge de la jeune espagnole ainsi que la santé fragile du roi deviennent un frein à cette union. Louis XV doit trouver une nouvelle prétendante. Marie Leszczynska ayant sept ans de plus que le roi de France détient la capacité d’avoir des enfants et c’est ce point qui joue en sa faveur. Ainsi, le mariage a lieu à Fontainebleau le 5 février 1725. Cela fait quarante ans que Versailles n’a plus eu de reine. Le début de son règne est difficile. En effet, son origine modeste lui est reprochée, son père est le roi déchu de Pologne. Marie Leszczynska met au monde huit filles et deux garçons. Cette minorité de progénitures masculines lui est également reprochée. Aucun de ses fils n’accèdent au trône de France. Ce sont ses trois petits-fils qui règnent sur le royaume de France : Louis XVI, Louis XVIII et Charles X.


Marie Leszczynska est connue pour son catholicisme. Elle est ce qu’on nomme une reine dévote. Elle fonde à Versailles une maison pour jeunes filles pauvres dont l’éducation est tenue par des chanoinesses de Saint-Augustin venues de Compiègne. En 1736, Marie Leszczynska reçoit du pape Clément XII la rose d’or. La dévotion catholique de la reine de France se retrouve dans ses différents portraits et c’est un élément qui sera abordé dans l’un des articles. En effet, le bijou lui sert à construire son identité. Au-delà de son fort intérêt pour la religion, Marie Leszczynska aime lire, jouer de la musique et elle s’adonne également aux jeux. De plus, la reine aime également se parer et à porter des bijoux et autres pièces de joaillerie de grandes valeurs, son statut l’y oblige.



Le bijou : un objet aux fonctions multiples


Le fait de porter de riches vêtements, d’être couvert de pierres précieuses de grandes valeurs permet à tous de connaître le statut et le rang de l’individu. En effet, à Versailles, le spectacle permanent et la démonstration de sa richesse est essentielle. Le corps et le comportement de la cour sont contraints dans l’ensemble de leurs gestes, postures et doivent répondre un ensemble de règles appelé « l’étiquette ». Il n’en reste pas moins que ces obligations d’apparat sont bien plus contraignantes pour les femmes et nous le verrons au cours des différents articles.

Le bijou est un accessoire de mode. Sont considérés comme bijoux les colliers, bagues, bracelets, aigrettes (bijou porté dans les cheveux), boucles d’oreilles et autres pierres montées sur les vêtements. Rares sont les portraits dépourvus de pierres précieuses. Par conséquent, la volonté des peintres de les représenter permet de rendre compte de la valeur qui leur sont accordés. Ce sont des objets représentant beauté et richesse. Le bijou est une forme de plaisir, de construction de l’identité et d’articulation du pouvoir. Celui-ci a également une fonction diplomatique puisqu’il n’est pas rare d’en offrir aux ambassadeurs. De plus, il détient une valeur sentimentale. En effet, les sources font mention des miniatures. Il s’agit de bijou représentant le portrait d’un être cher, vivant ou disparu. Lorsqu’ils sont utilisés dans un portrait, celui-ci contribue au double-portrait. On ne représente plus l’individu seul mais également accompagné de ses relations sociales. Il n’en reste pas moins que le bijou est un objet éphémère. Ils sont fragiles, se cassent, sont montés, démontés et les pierres précieuses sont réutilisées sur d’autres montures. Ainsi, les tableaux, gravures ainsi que les écrits sont généralement les seules sources restantes à l’historien pour connaître ces pièces.


Le bijou, au-delà de la mode, est un objet servant la représentation du pouvoir. Cette idée est à rapprocher du courant historiographique des visual studies, ou de la culture visuelle. Ce courant d’origine anglo-saxonne, arrive en France dans les années 2000. Pour comprendre une image, un tableau, une gravure, il faut l’interpréter dans son contexte historique, politique, social et culturel. Les portraits de la reine de France sont réalisés par le pouvoir royal, il faut donc toujours inclure les analyses que l’on en fait dans ce contexte. Ceci se rapproche de l’iconographie politique, c’est-à-dire l’étude des images qui sont construites par le pouvoir. La reine détient un rôle important et pour l’évoquer il faut se tourner vers ce que les historiens anglo-saxons, tel que Clarissa Campbell Or, nomment le Queenship. La reine est au centre de la cour, elle est la première femme de France. Ainsi, elle peut influencer à la fois la mode ou les pratiques sociales. Au XVIIIe siècle, la reine détient principalement un rôle d’épouse, de mère et de femme de cour. Par exemple, Marie Leszczynska doit apprendre une nouvelle langue, s’adapter à une vie de cour qu’elle ne connaît pas. Il ne faut cependant pas sous-estimer le rôle de la reine. En effet, grâce à l’utilisation des bijoux dans ses portraits, la reine use de son agency, c’est-à-dire de sa capacité d’action. Ce concept d’agency est développé par Judith Butler, une philosophe et féministe américaine, dans les études sur le genre. Marie Leszczynska a un grand rôle à jouer quant à son image et à la construction de son identité. Le bijou permet à la reine de se mettre en scène mais également de mettre en scène le pouvoir royal.


Dans le prochain article, nous nous concentrerons sur les sources utilisées dans ce travail : des sources iconographiques et textuelles.



Par Emma Le Nouvel

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