Lorsque la pandémie du Covid-19 s’abat sur le monde occidental, aucun pays n’est prêt : manque de personnel, difficulté d’obtention des masques… Ni les États-Unis ni aucun pays européen n'avaient la capacité de les fabriquer. Toutes les demandes se tournent alors vers la Chine et chaque pays veut son dû, provoquant une individualisation des intérêts mondiaux : les Etats-Unis rachètent au prix fort des masques initialement prévus pour le Brésil, la France s’octroie du matériel médical espagnol ou italien… Le marché des masques est devenu le théâtre d’un chaos des relations géopolitiques internationales, et la Chine compte profiter de la situation pour s’affirmer comme salvatrice.
En cette période de pandémie où les relations internationales sont électriques et les pays tournés vers l’individualisme, la Chine compte bien tirer son épingle du jeu en se positionnant comme protectrice de la santé mondiale.
C’est d’abord par une intervention internationale que la Chine se place en leadeuse de la protection contre le covid.
Pour ce faire, elle se montre généreuse avec les pays qu’elle considère comme ses alliés en entamant sa diplomatie des masques, qui consiste à pourvoir en protection anti-covid les pays perçus comme « alliés ». Parmi eux, l’Europe de l’Est, Centrale, l’Afrique, l’Italie, le Pakistan, le Cambodge, le Laos et l’Iran bénéficient principalement de ces aides. Or ce sont aussi des pays appartenant aux nouvelles Routes de la Soie, moyen géopolitique pour la Chine d’affirmer son hégémonie et son contrôle sur ces chemins commerciaux stratégiques.
La pandémie est donc l’occasion pour la Chine de renforcer ses alliances. L’exemple le plus probant est celui de la Serbie. En effet, le président serbe affirme, suite à la collaboration sino-serbe, que la nation « garderait toujours en souvenir cette aide ». En conséquence, le pays balkan devient en mars 2021 le pays européen le plus vacciné (en pourcentage), irrigué au vaccin chinois.
C’est ensuite par une propagande et une communication accrues que la Chine fait valoir son rôle de garant international.
Principale accusée d’être le foyer de l’épidémie du Covid-19, la Chine tourne cette situation à son avantage : elle vante ses mérites de la gestion de crise afin d’être perçue, non comme la responsable, mais comme la sauveuse. Elle met sous la lumière des projecteurs sa diplomatie du masque : le pays instrumentalise le bout de tissu, devenu de fait le nouvel outil du soft power et du modèle de gouvernance chinois. La communication prépondérante en est la preuve : journaux officiels, discours, ambassades… autant de moyens de promulguer les quantités de dons médicaux exportés. Le PCC sur-communique même sur le million de masques envoyés en mars 2020 pour la France, qui peine à produire les siens, se plaçant ainsi comme sauveur du pays. La Chine se targue donc de sa « contribution importante à la lutte mondiale contre l’épidémie » (RTFB Info, 2021), renvoyant l’image d’une gouvernance forte et inébranlable.
Ainsi, la diplomatie du masque et l’envoi d’aides médicales s’inscrivent dans une véritable stratégie de soft power visant à faire oublier l’origine du virus et redorer l’image de la Chine afin de la présenter comme une puissance responsable. Malgré ces ambitions, certains pays perçoivent très différemment les messages chinois.
La Chine ne fait pas l’unanimité quant à son rôle de garant de la santé mondiale, surtout lorsqu’elle pâtit de l’image d’une nation antidémocratique bafouant les droits de l’Homme.
L’attitude chinoise est perçue par plusieurs pays occidentaux (Etats-Unis, l’Union Européenne, le Canada, l’Inde ou encore le Japon) comme un nouveau moyen de pression géopolitique. Malgré les remerciements occidentaux pour le matériel médical, l’extra-communication chinoise énerve les Etats qui y voient en filigrane une manière détournée d'asseoir la vision du PCC et ses intérêts.
L’opacité dans sa gestion de la crise attise de surcroît la méfiance des pays occidentaux envers la Chine. En effet, Pékin irrite à cause de son refus continuel d’engager une enquête internationale sur l’origine du virus et rend public des chiffres absurdes : seulement 2 500 sont annoncés fin mars 2021 à Wuhan, foyer de l’épidémie. Ce chiffre est en contradiction avec ceux occidentaux qui enregistrent beaucoup plus de décès.
La Chine et son soft power ont donc été confrontés au scepticisme et aux critiques des puissances occidentales. Xi Jinping souhaite résoudre cette crise « tous ensemble », mais il clive et crée une dichotomie entre alliés et sceptiques.
L’Australie est un exemple de l’échec de la volonté d’unification chinoise. Canberra a demandé en janvier 2020 l’ouverture d’une enquête internationale sur le territoire chinois en vue de d’investiguer sur l’origine du Covid, demande qui s’est heurtée à la muraille chinoise. Pour réagir, l’Australie sanctionne le groupe chinois Huawei en lui interdisant d’implanter son réseau 5G sur son territoire. Déjà hostile au gouvernement de Xi Jinping, l’Australie ne s’est pas laissée séduire par les aides de Pékin bien qu’il représente son plus gros partenaire commercial : Canberra ne sacrifiera pas sa démocratie au profit du commerce (Lemaître, 2021)
Bien loin de séduire tous les pays par sa diplomatie du masque, la Chine produit même l’effet inverse : elle devient patibulaire aux yeux des occidentaux, menant parfois à la dégradation de ses relations avec certains pays.
Cette diplomatie, made in Xi Jinping, l’a finalement décrédibilisé. Il a surestimé la capacité de son régime à promouvoir ses valeurs et mœurs auprès des puissances occidentales et il semblerait sous-estimer le mécontentement de l’Occident face à son manque de transparence et face à leur attachement à leurs valeurs démocratiques
Effrayés par ce virus, les occidentaux sont en quête de vérité et de compréhension et non pas d’un message mensonger provenant de la Chine, jugée pour la plupart, responsable de la pandémie.
BONNEFOY Victor
SOURCES
[1] https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/07/la-chine-fait-du-masque-une-arme-geopolitique_6032192_3210.html
[3] https://cqegheiulaval.com/2021/06/03/la-diplomatie-du-masque-et-du-vaccin-nouvel-atout-de-soft-ou-de-hard-power-pour-pekin/
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