À l’heure du tout-numérique, difficile d’échapper aux écrans, que ce soit au travail, à l’école, à la maison ou même dans l’espace public ! Leur omniprésence banalise leur utilisation au quotidien. Si les écrans sont un formidable support de découverte et d’apprentissage, nous savons également qu'une utilisation abusive a un impact négatif sur la santé globale des enfants.
L'exposition aux écrans chez les jeunes enfants
- Bref état des lieux
Les études montrent que la consommation récréative du numérique par les nouvelles générations est astronomique. Dès 2 ans, les enfants cumulent chaque jour presque 3 heures d'écran (environ 1000 heures/an). Entre 8 et 12 ans, près de 4 heures 45 (1700 heures par an) pour passer à 6 heures 45 en moyenne entre 13 et 18 ans (2400 heures soit 2,5 années scolaires).
- Un constat préoccupant partout dans le monde
Parce que la consommation abusive d'écrans pose la question des effets de ces technologies sur le développement et la santé des enfants, les institutions de la planète sanitaire se sont penchées sur ce problème de santé publique. Elles sont nombreuses à s'accorder sur ce point : télévision, tablettes, smartphones seraient de véritables dangers pour les tout-petits et vouloir agir.
Ainsi à Taïwan, une exposition prolongée aux écrans est considérée comme de la maltraitance jusqu'à 2 ans et l'on risque une amende. L’OMS (Organisation Mondiale de la santé) dit que c'est mieux de ne pas exposer les enfants aux écrans jusqu'à 5 ans. L'Académie Américaine de Pédiatrie quant à elle affirme qu'il n'y ne doit y avoir aucune exposition aux écrans avant 2 ou 3 ans.
- En France, les études réalisées n'ont pas apporté de réponses fiables et tranchées en la matière, jusqu'à l'apport des neurosciences. Alors qu'en 2013, Serge TISSERON psychiatre et docteur en psychologie, évoque que « l’évolution numérique a des effets positifs considérables en améliorant l’acquisition des connaissances et des savoir-faire, mais aussi en contribuant à la formation de la pensée et à l’insertion sociale des enfants et des adolescents », aujourd'hui des voix de psychologues, neurologues et chercheurs, s'élèvent pour informer des risques d'exposition abusive des enfants et des adolescents aux écrans.
Ainsi, le Docteur en neurologie et directeur de recherche à l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) Michel Desmurget, lance aujourd'hui un cri d'alarme et affirme que « les écrans sont nocifs jusqu’à six ans », ajoutant que « aucun écran ne pourra jamais remplacer les interactions humaines! »
Quels en sont les risques ?
Pour bien se développer, un tout-petit a besoin d’avoir des contacts avec les autres et de faire toutes sortes d’activités (ex. : casse-têtes, pâte à modeler, bricolage, culbutes, lancer un ballon, regarder des livres). Les interactions qu’un enfant a avec son environnement et son entourage sont la meilleure source de stimulation pour lui.
Une grande utilisation des écrans réduit souvent le temps accordé aux activités physiques et au jeu libre. Ce manque d’activité physique et la sédentarité pourraient également nuire au développement d’habiletés motrices indispensables au développement global de l’enfant (ex. : marcher, courir, lancer, sauter, ramper, etc.).
Troubles de l’attention, de l'humeur, du sommeil, du développement ou du comportement, risque d’obésité… sont les principaux risques identifiés en cas d'exposition prolongée de l'enfant de moins de 6 ans aux écrans. Le danger réside en effet dans la passivité face aux images qui défilent sans arrêt et que l’enfant, captivé, intègre sans se poser de questions.
Des études ont également montré que les jeunes enfants exposés aux écrans avaient moins d’interaction émotionnelle avec leur entourage, en particulier le développement du langage.
Face à ces constats, comment préserver le développement, le bien être et la santé des enfants ? On devine, qu'une fois la réponse entrevue, la question suivante, découlant de cette première interrogation est, à qui revient cette mission, à la fois, de comprendre les enjeux autour du développement de leur enfant et d'agir en conséquence pour encadrer ?, limiter ?, voire interdire ? les activités numériques ? Les parents ? Les professionnels de la petite enfance ?
Comprendre et agir dans l'intérêt de l'enfant et pour la promotion de la santé et la prévention des risques
Le rôle que les parents peuvent jouer est ici primordial . Premiers concernés, on évalue rapidement quel véritable défi il leur incombe de porter à eux seuls, à savoir la responsabilité de l’encadrement des écrans. Comment faire alors pour partager le fardeau à d’autres acteurs de la société?
Les professionnels de la petite enfance sont sans doute les plus aptes à répondre aux préoccupations de promotion de la santé et de prévention des risques. S'ils disposent d'une expertise incontestable, il se sont cependant souvent érigés en « tout-sachant », prenant ainsi toute la place dans le champ des savoirs et savoirs faire, limitant ainsi les parents dans leur pouvoir d'agir et de se sentir compétents.
Cette relation déséquilibrée entre le parent et « l'expert » n'a pas contribué à ce que les nombreuses recommandations en matière de régulation du temps passé par les enfants sur les écrans soient entendues, acceptées et mises en œuvre au sein des familles.
Les actions en faveur de la promotion et de la prévention en matière d’usage des écrans doivent être élaborées selon une approche globale, associant les enfants et permettant la redécouverte des multiples formes du lien social. Il ne s'agit, en effet, pas seulement d'affirmer que les écrans sont dangereux pour les enfants, le risque d'un tel discours étant de culpabiliser les parents. Les actions auprès d'eux doivent agir à la fois sur les habitudes de vie (sommeil, alimentation, etc.), les environnements, sur les normes et les règles qui concernent l’univers du numérique lui -même, constitutif du contexte de vie dans lequel les enfants évoluent et se développent.
Le rapport aux écrans ne changera que si l'on agit tous ensemble dans une dynamique de collaboration favorable à l'émergence de toutes les potentialités.
Isabelle Gentilhomme
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