Aujourd’hui, Abd el-Kader est une figure qui n’est plus au premier plan, or, elle garde une place très importante dans l’histoire de l’Algérie, et même au-delà.
Luc Chantre, historien de l’époque contemporaine, est spécialiste de l’histoire coloniale et des relations “Orient-Occident”. Après une carrière dans l’administration et Sciences Politiques à Paris où il enseigne depuis 2001, il se dirige vers la recherche et l’enseignement universitaires. Il est maître de conférences à Rennes 2 depuis 2019. Sa thèse portait sur l’organisation du pèlerinage à la Mecque de 1850 à 1950. La figure d’Abd el-Kader est le parfait exemple de l’union entre l’Orient et l’Occident.
Une image controversée…
Abd el-Kader est une personnalité religieuse appartenant à la confrérie la Qadiriyya. Chef spirituel, Abd el-Kader se retrouve, à la suite du débarquement français de juin 1830, à la tête de la résistance algérienne de 1832 jusqu’à sa reddition en 1847. Ainsi, il se voit reconnaître émir d’un Etat couvrant les provinces occidentales et centrales de l’actuelle Algérie.
Toute la durée de la Seconde République, il est exilé en France à Toulon, à Pau puis à Amboise, avant d’être libéré par Louis-Napoléon Bonaparte. Durant cette période, il reçoit la visite d'hommes politiques et d’écrivains. Par la suite, il a la volonté de retrouver sa vocation religieuse vers le soufisme, une branche mystique de l’islam passant par la méditation, la prière, l’étude.
Les émeutes anti-chrétiennes de Damas en 1860 ont beaucoup contribué à sa popularité. En Syrie, en effet, il sauve la vie des consuls européens et de plusieurs centaines de Chrétiens qu’il héberge au sein de son palais. Il reçoit même la légion d’honneur et gagne l’admiration du côté Français.
Pourtant, le fait d’avoir sauvé les chrétiens n’est pas quelque chose d’étonnant si l’on comprend la nature même de ses actions.
…mais une figure qui rassemble
En effet, la vision tolérante d’Abd el-Kader l’amène à rechercher les points d’accord entre les différentes religions. A l’époque de son État, juifs, chrétiens et musulmans cohabitent de façon durable. On peut même citer le fait qu’il vivait toujours avec le Coran et la Torah non loin de lui.
Après la guerre d’indépendance, le pouvoir en place fait rapatrier sa dépouille de Syrie vers l’Algérie. L’objectif est, en effet, de faire de l’émir une figure de la nation algérienne.
Avec le recul du temps, on peut se demander si sa personnalité fédératrice n’est pas aussi le moyen de jeter un pont de part et d’autre de la Méditerranée comme le montre l’exposition qui lui est actuellement consacrée au MUCEM de Marseille du 6 avril au 22 août 2022.
Or, à Amboise, une stèle commémorative en son honneur a été vandalisée. Cette stèle avait été installée après le rapport de l’historien Benjamin Stora qui préconisait de trouver des figures fédératrices entre les deux pays. On peut donc se demander si ce personnage ne reste pas toujours, dans les mémoires nationales, une figure controversée.
Par Auriane Le Moigne
Emma Le Nouvel
Arthur Ruaux
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