" Quand la Chine s’éveillera "[1]
L’entrée de la Chine dans l’OMC a, comme on l’a observé sur les volumes d’exportations vers les USA, permis à ce pays de se développer économiquement. La Chine a cependant fait bien plus, elle a réussi la « quadrature du cercle », car non seulement elle a fait très fortement croître son produit intérieur brut (PIB) mais elle a réussi à faire muter son économie. En effet, la production de textile dont le commerce avait été libéralisé à la suite de l’accord du cycle de l’Uruguay avait pu se développer et alimenter le volume des exportations. Ces échanges avaient d’ailleurs été la source des premiers conflits à l’OMC entre l’Union Européenne et la Chine. Des quotas aux importations sur le textile qui avaient été supprimés le 1er janvier 2005 ont été remis en place pendant 3 ans supplémentaires jusqu’au 31 décembre 2007. A cette époque, des rapports estiment que la France perdait 2 000 emplois par mois dans le secteur du textile.
Entretemps, ces industries ont massivement quitté la Chine pour gagner le Bangladesh, le Vietnam et d’autres pays d’Asie. La Chine a su investir dans les secteurs à hautes technologies, les GAFAM américaines n’ont pas toutes eu accès au marché Chinois qui a développé ses propres géants du numérique. La Chine a aussi su financer le secteur de la recherche, elle a par exemple développé ses propres lanceurs de fusée. Elle possède certes encore beaucoup moins de satellites que les Etats-Unis, mais c’est elle qui a envoyé le plus grand nombre de fusées dans l’espace en 2021. Le secteur des communications est une source de tension commerciale entre les deux pays. Les mesures de protection à titre stratégique justifiées par la sécurité nationale ont permis aux Etats-Unis d’interdire la vente de produits Huawei sur le sol américain.
Le marché de la voiture électrique, les Etats-Unis subventionnent leur économie.
La Chine qui, à son entrée dans l’OMC, était encore considérée comme une puissance technologique émergente [5] est désormais une puissance technologique majeure en voie de détrôner de nombreux pays occidentaux. Elle a en 2022 dépassé la France en s’emparant de la 11ème place mondiale selon le classement établi par l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle.
La Chine est aujourd’hui notamment en tête sur l’un des marchés d’avenir les plus prometteurs : le véhicule électrique. Elle a pour cela de nombreux avantages, elle dispose tout d’abord sans conteste du plus gros stock de terres rares. Selon l’US Geological Survey la Chine dispose de 37 % des stocks mondiaux contre environ 1 % pour les Etats-Unis. Ces ressources l’ont aidé à s’imposer comme le premier producteur mondial de batterie électrique pour l’automobile. Selon le SNE Research, les entreprises chinoises avec CATL ou BYD dominent largement un secteur dans lequel elles sont en forte croissance.
La Chine est en 2021, avec environ 50 % des parts de marché, de loin le plus gros producteur de véhicules électriques. Malgré l’emblématique entreprise Tesla, comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous, les Etats-Unis ont produit beaucoup moins de voitures électriques.
Dans ce secteur de la transition écologique qu’est celui de la production de véhicules électriques, comme dans de nombreux autres secteurs industriels, les Etats-Unis ont réagi. Le 16 août 2022 entre en vigueur l’Inflation Reduction Act, cette loi Américaine qui d’après le journal officiel du sénat : « prévoit d'importantes subventions, sous la forme de crédits d'impôt à la consommation ou à la production, dans les énergies et les mobilités propres, dont certains sont conditionnés à des exigences de contenu national. Ces dernières subventions apparaissent manifestement incompatibles avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). ». Le gouvernement Américain mène une politique de relance de la production industrielle. La loi est assortie d’un budget de 370 milliards de dollars. Les entreprises s’installant sur son territoire pourront bénéficier de subventions pour produire des véhicules électriques. Les aides dans ce secteur seront conditionnées, les biens intermédiaires importés pour la production devront provenir d’Amérique du Nord.
Sébastien BONNIN
[1] Peyrefitte, A. (2014). Quand la Chine s' éveillera...:... Le monde tremblera. Fayard.
[2] Sachwald, F. (2007). La Chine, puissance technologique émergente. Les Etudes de l’IFRI.
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