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Asie centrale : exercice de définition et analyse géopolitique part 4/4




Religion et islamisme en Asie Centrale 



L’Asie Centrale est majoritairement de confession islamique sunnite comme son partenaire religieux majeur, la Turquie. Elle est cependant à la croisée des influences religieuses entre ses frontières avec l’Iran chiite, l’Afghanistan taliban et la Russie orthodoxe. La porosité des frontières et l’absence de corrélation entre le découpage administratif et l’identité culturelle et religieuse favorisent les échanges en matière d’idéologies. 

Il existe ainsi une diversité d’écoles coraniques en Asie Centrale, le pouvoir politique y est plus ou moins impliqué (très fort en Ouzbékistan), et se forment ainsi des courants de pensée extrémistes et islamistes. 


Plus encore, les conditions de vie difficiles et l’autocratisme des dirigeants fondent un terreau fertile aux velléités combattantes chez la population musulmane pratiquante d’Ouzbékistan, du Tadjikistan et du Kirghizistan essentiellement. En effet, l’islamisme centre-asiatique est également étroitement mêlé à un mécontentement politique envers les élites dirigeantes du pays, une revendication nationaliste qui suggère l’abolition des frontières érigées par les soviétiques et une rancoeur tenace à l’encontre de la Russie (héritier de l’oppression soviétique, terre d’accueil des migrants mais terre de rejet et d’exclusion sociale avant tout). 


Ce sont ces conditions qui contribuent à faire de l’Asie Centrale un vivier de combattants pour les groupes islamistes. Ces derniers recrutent aussi bien pour leur lutte dans leur pays d’origine au Moyen-Orient (Etat-Islamique, Al-QAïda) ou en Afghanistan (talibans) qu’au sein de leurs réseaux terroristes dans le monde occidental. Plusieurs attentats et attaques terroristes ont ainsi été menés par des citoyens d’Asie Centrale, avec pour revendication : la contestation de l’ordre occidental, le rejet de l’hégémonie russe héritée du monde soviétique en Asie Centrale et l’islam radical. 


L’attentat de Saint- Pétersbourg est ainsi mené en 2017 par un Kirghize, celui de Stockholm quatre jours plus tard par un Ouzbek et plus récemment en mars 2024, l’attaque à Moscou, par un groupe de Tadjiks. Ce dernier attentat a été revendiqué par l’Etat Islamique du Khorasan. Branche pakistano-afghane majeure de l’Etat islamique, il avait déjà perpétré des attentats meurtriers en Iran en janvier 2024 et contre l’Ambassade de Russie à Kaboul en 2022. 


Un regain de vigueur notable du terrorisme dans cette région est permis par le retrait de la coalition occidentale, et de l’armée Américaine en particulier, de l’Afghanistan en 2021. Par ailleurs, les pays d’Asie centrale, habituellement contrôlés par la Russie, sont moins surveillés depuis la concentration de l’attention sur le front ukrainien et bénéficient de privilèges internationaux en matière de mobilité (visas, passeports) que sont loin d’avoir les autres pays considérés comme dangereux du point de vue du djihadisme. 


Comme évoqué précédemment, la Russie est la cible privilégiée de ce genre de groupes après les autres pays musulmans. Historiquement responsable des déboires centre-asiatiques en matière de nations et d'États, elle est aussi le premier soutien du régime de Bachar al-Assad en Syrie, responsable de l’oppression des tchétchènes et autres minorités musulmanes de l’Altaï et du Caucase. Paradoxalement, le territoire de l’Asie centrale.


En somme, si le djihadisme en Asie Centrale demeure relativement peu touchée par le terrorisme, même si des groupes à l’instar du Mouvement Islamique d’Ouzbékistan ou du Mouvement Islamique d’Asie Centrale ont pu commettre des attentats d’ampleur comme à Tachkent en 1999. Aujourd’hui, ces deux groupes, spécialisés dans la prise d’otages occidentaux plutôt que les attaques massives sont très diminuées et probablement réfugiées dans des pays comme le Pakistan ou l’Afghanistan voisin. Le pouvoir central très fort et soutenu politiquement comme militairement par la Russie, tout comme les interventions militaires occidentales dans les pays voisins, ne sont évidemment pas étrangers au faible succès des groupes terroristes dans la région.


Cependant, une recrudescence du djihadisme dans ces régions, et au départ de ces régions vers la Russie et l’Occident devient une hypothèse des plus probables devant la stagnation de la situation politique locale, des difficultés sociales et du désintéressement des traditionnelles puissances d’équilibre de la région. 



Benjamin GUERAUD, Emile CHAPUT





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